Mémoire
de stage DESS : Les études de risques : entre objectivité
et subjectivité
NB: Seule l'introduction est, pour l'instant, présente
sur le site. (voir ci-dessous)
SOMMAIRE
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PARTIE I. LES RISQUES D'UNE ETUDE DES RISQUES
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9
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Section 1. Les difficultés de la réalisation
d'une étude des risques |
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1§ La recherche d'une représentation fidèle de
la réalité |
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2§ L'analyse systémique |
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Section 2. La stratégie pour maîtriser l'incertitude
des risques |
18
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1§ L'application de la stratégie au monde des
risques |
18
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2§ La pensée stratégique et la maîtrise des risques |
23
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PARTIE II. LE ROLE DE LA SUBJECTIVITE DANS LES ETUDES DE
RISQUES
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Section 1. Elaboration d'une méthode d'évaluation
des risques |
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1§ La lutte contre les risques professionnels
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32
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2§ Présentation de l'évaluation des risques |
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Section 2. Déroulement de l'étude des risques
et mise en place d'une stratégie |
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1§ La part de subjectivité dans toute science
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2§ La conduite de l'évaluation des risques |
52
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CONCLUSION
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65
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TABLE DES MATIERES
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BIBLIOGRAPHIE
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71
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" Le Monde qui frappe nos sens ne possède point véritablement
l'être ; il n'est qu'un devenir incessant, indifférent à l'être
ou au non-être, le percevoir, c'est moins une connaissance qu'une
illusion "
L'étude des risques est un défi permanent pour l'entendement et
la rationalité humaine, car les risques sont viscéralement lié aux
activités humaines, à la vie. Délier la vie et les risques peut
dénaturer la réalité des risques, car ils font partie de choix,
de goûts, de déni, de refoulement, mais surtout de systèmes d'organisation
et de vie complexes. Par ailleurs, la perception que l'on peut avoir
des activités humaines, du monde peut-être très variable en fonction
des individus. De ce fait, la perception que l'on a des risques
que l'on encoure en vivant dans ce monde l'est, à bien des égards,
aussi. Par conséquent, il y a des risques qui existent de façon
insupportables pour certaines personnes, en revanche, pour d'autres,
ils n'ont pas plus de réalité que des chimères homériques.
Alors comment déterminer ce qui appartient au pur fantasme ou à
la réalité ? Qui peut prétendre connaître la vérité absolue de la
nature d'un risque ? En ce sens, un risque peut aussi bien être
perçu comme une opportunité, un exploit ou comme une fatalité, car
c'est bien entre ces deux extrêmes que nos perceptions évoluent.
En outre, chaque individu se sent, en dernière instance, seul face
au risque, notion hybride et éphémère qui n'existe que l'espace
d'un instant, d'une exposition à un danger. Cette perception est
d'autant plus dure à surmonter que le risque est persistant, même
si le risque change chaque instant de forme. Il nous suit comme
notre ombre, jamais il ne nous lâche. Nous l'oublions parfois souvent
et nous reprenons conscience de son existence quand l'accident,
la catastrophe survient et surprend les habitudes et la perception
de sécurité.
C'est pour l'ensemble de ces raisons qu'analyser les risques c'est
prospecter toute cette part de possible, d'incertain qui fait partie
de la vie elle-même, c'est explorer des systèmes complexes qui se
sont élaborés au cours du temps, comme les entreprise, les vallées…
Pourtant, la notion de risque implique une notion de maîtrise,
de calcul, de probabilité. Le risque n'est donc pas entièrement
une menace, une épée de Damoclès au dessus de nos têtes. C'est pour
ces raisons que le risque fut appréhendé et en un sens maîtrisé
au moment même de l'élaboration de la notion, du mot risque. Les
marins vénitiens se sont les premiers prémunis contre les récifs,
ces risques qui bordaient les mers et les océans du monde. Ainsi
la notion de risque fut une conquête de l'humanité contre l'incertitude,
les aléas du monde. Chose est de constater que nos sociétés redécouvrent
la part d'incertitude qui persiste et caractérise le risque à travers
les risques dit majeurs. Un risque correspond à une exposition,
à un danger. Il est le produit du couple " probabilité d'occurrence/gravité
des conséquences " appliqué à un événement non souhaité. C'est le
danger, autrement dit : Propriété ou capacité intrinsèque par laquelle
une situation ou un phénomène est susceptible de causer un dommage,
qui crée le caractère non souhaitable de la réalisation du risque.
Cependant, prendre un risque peut se révéler être une bonne solution.
En effet, créer son entreprise est un risque qui peut être bénéfique
si l'entreprise est rentable, mais néfaste si l'entreprise ne l'est
pas. La particularité du risque est que personne ne peut être sûr
que tout finira bien. En ce sens, la notion de risque intègre donc
une notion de probabilité, d'incertitude. Mais ce n'est pas la certitude
de l'incertitude qui doit empêcher l'entrepreneur de tout faire
pour que son entreprise soit profitable, car elle peut l'être s'il
met toutes ses compétences en œuvre et qu'en un sens, la chance
soit avec lui.
C'est cette incertitude qui nous oblige, chaque jour, à la nécessité
d'anticiper, d'évaluer, de déterminer les risques que nous prenons.
Cependant, sommes-nous conscient que nous effectuons tout ce travail
? Les marins vénitiens se sont donc prémunis contre les risques
en assurant leurs voyages. Pour ce faire, ils ont dû établir les
probabilités d'accidents des bateaux en mer. Nul ne peut imaginer
un tel calcul et un tel recensement, de la part d'assureur sans
une note écrite. Selon Jack Goody, " alors que le nature humaine
est par définition la même, et en ce sens les aptitudes humaines
aussi, néanmoins les capacités humaines sont accrues par l'emploi
d'instruments variés de nature matérielle et intellectuelle . "
L'écrit fut donc " pas seulement une conséquence, mais aussi une
condition de ce développement [ des civilisations urbaines n.d.a.
] ". Nous voyons donc que la maîtrise de ces risques insaisissables,
de ces risques qui font partie de notre vie, mais qui émergent toujours
au mauvais moment, qu'on les provoque ou non, dépend de l'écriture
et donc de travaux écrits.
Jack Goody a bien démontré que l'écriture a facilité dans les premiers
temps " l'identification des marchandises, la notation des types
de biens et de leurs quantités, le calcul de la production et de
la consommation ". Mais qu'en revanche " aucune de ces activités
n'est impossible dans les sociétés orales . ". Alors pourquoi insister
sur l'apport de l'écriture dans la gestion des risques ? Il demeure,
selon Goody, que sans l'écrit, l'échelle et la complexité des opérations
sont limitées. Ainsi l'écriture est l'alliée de toute politique
de gestion, de prévention des risques. Nul ne pense qu'une bonne
maîtrise des risques peut se suffire de dictons, de poèmes… De plus,
une vrai politique de gestion des risques ne peut être mise en œuvre
sans avoir effectué au préalable une études risques. Cette complexité
émerge aussi au regard de la nature du risque. Le risque est, de
par lui-même, complexe.
Cette complexité vient de son caractère incertain et de la quantité
d'information qu'il convient d'analyser pour le maîtriser. Ce constat,
qui associe de façon intrinsèque la gestion des risques et l'écriture,
est le même que celui qui lie les risques et la vie. En effet, les
risques font partie de façon intrinsèque à la vie. Ils sont tellement
liés que l'on peine à les distinguer. En ce sens, il n'y aurait
pas d'étude de risques, mais une analyse de la vie. Mais effectuer
une étude des risques sur des considérations dont les tenants et
les aboutissants ne seront vraisemblablement jamais résolus va à
l'encontre de l'idée même d'une maîtrise des risques. Du fait de
cette incertitude, les discours tenus autour des évaluations des
risques sont multiples. Dans ce domaine, nous avons tous, ou pratiquement
tous, un avis sur les risques du fait d'un rapport particulier que
l'on entretien avec eux. Certains sont apeurés, d'autres les recherchent
dans l'espoir d'attirer une attention. En bref, les risques de la
vie, du travail, des autres ne nous laissent pas indifférents. L'étude
de la perception des risques permet de dégager les différentes attitudes
et les différents rapports que chaque catégorie d'individus entretien
face aux risques. Ces analyses sociologiques et psychologiques permettent
de mieux nous comprendre dans notre relation avec les risques. Cependant,
si nous avons tous un avis, une perception ou une exposition particulière
aux risques, comment cela ne peut-il pas influencer les études des
risques ? En effet, personne ne peut affirmer avoir une opinion
objective face aux risques, car nous entretenons tous une relation
subjective avec eux. Cette subjectivité est à la fois démontrée
par les études sociologiques et les études psychologiques, mais
aussi tout simplement parce que notre rapport avec les risques dépend
de notre manière d'être. Ceux-ci sont présents dans tous les actes,
même les plus courants, de la vie. Ils font donc parti de nous en
tant que sujet. Une lapalissade consisterait à dire que tout ce
que nous effectuons dans la vie nous confronte à un risque. Ainsi,
nous pouvons dire que l'analyse des risques est l'une des activités
les plus courantes que nous effectuons dans la vie. Par exemple,
en tant qu'usager, piéton, automobiliste…nous analysons plus ou
moins consciemment les risques.
Comme nous l'avons ci-dessus rappelé, une grande partie des risques
que nous rencontrons sont ancrés dans la vie quotidienne. Ces risques
courants, que l'on peut aussi rencontrer dans la vie professionnelle,
peuvent avoir des conséquences plus ou moins importantes, sauf que
l'analyse des risques est englobée dans l'habitude, le réflexe,
l'instinct. C'est pourquoi nous ne prenons pas une heure de notre
temps pour prendre en compte toutes les possibilités d'accidents
en traversant une rue. De plus, être trop conscient des risques
peut s'avérer être paralysant. De ce fait, une bonne partie de nos
actions repose sur la confiance. En effet, en prenant l'ascenseur,
nous faisons confiance à l'entreprise d'entretien. Cette confiance
nous permet de nous reposer sur autrui. En outre, l'habitude renforce
ce sentiment de confiance, de même que la répétition d'une exposition
à un risque le rend moins dangereux à nos yeux.
A côté de ces risques courants, existent les risques dits majeurs
dont l'occurrence est beaucoup plus faible, qui ne sont pas forcément
ancré dans le quotidien et dont l'impact catastrophique peut être
très important. On retrouve dans cette catégorie les accidents survenant
dans des entreprises chimiques, nucléaires… Nous voyons donc bien
que les risques sont multiples par leur nature, leurs enjeux, leurs
probabilités, leurs gravités et leur place dans la société. L'objet
de notre étude ne concerne pas certains risques en particulier.
Nous ne nous intéresserons donc pas à des risques particuliers,
comme les risques technologiques majeurs, mais au traitement de
ces risques dans des études d'analyse et d'évaluation. C'est donc
un travail de réflexion porté sur les analyses systématiques des
risques qui font l'objet d'un rapport, d'un écrit. Cette réflexion
sera renforcée par l'étude de la mise en œuvre d'une méthodologie
d'évaluation des risques dans une entreprise. Nous avons vu précédemment
que nous n'effectuons pas d'étude écrite de l'ensemble des risques
que nous rencontrons. De ce fait, nous pouvons nous demander pourquoi
certains risques font l'objet d'une étude écrite ?
Pour élaborer un premier élément de réponse on peut dire qu'effectuer
une étude des risques est fortement lié à la responsabilité. Mais
quelle responsabilité ?
Il s'agit principalement de la responsabilité de la faute en cas
de réalisation du risque, c'est-à-dire en cas d'accident. Cette
responsabilité est définie légalement et elle demeure plus ou moins
précise. Il est ainsi obligatoire pour les sociétés d'entretien
d'ascenseur de tenir un dossier contenant toutes les pannes et les
travaux de réparation effectués sur l'ascenseur. En cas d'accident
survenant dans un ascenseur, la société d'entretien doit prouver
quelle a effectué tout ce qui était possible, compte tenu de ses
capacités, pour éviter qu'un accident ne se produise. Cette responsabilité
est similaire pour la SNCF ou pour toute société de transport en
commun. Ces derniers sont tenus à une obligation de résultat quant
au transport des passagers d'un point à un autre. En gros, le transporteur
doit faire arriver vivant ses passagers, ou usagers à leur point
de destination. L'obligation de résultat implique donc le jugement
de la responsabilité sur un résultat : le passager est-il arrivé
à son point de destination avec son intégrité physique intacte ?
Cette obligation de résultat se transforme en obligation de moyen
quand le passager a une part d'initiative et donc de responsabilité.
L'obligation de moyen oblige l'entreprise à mettre tout en œuvre
pour qu'un accident ne se produise pas. Ainsi, les marches-pieds
du train doivent être conformes, mais le transporteur n'est pas
responsable de la chute du passager si celui-ci descend pendant
que le train est encore en marche près du quai.
Cette notion de responsabilité permet d'identifier formellement
les personnes qui sont obligées légalement d'effectuer une analyse
des risques. Il s'avère que le législateur est souvent intervenu
pour préciser qui doit effectuer une analyse des risques pour ses
activités. Ainsi, les installations classées pour la protection
de l'environnement doivent analyser leurs risques, tout comme les
entreprises privées ayant des salariés doivent remplir un document
unique. Concernant les collectivités, les plans de prévention des
risques naturels et technologiques introduisent l'obligation pour
les pouvoirs publics de procéder à des analyses de risques. Cette
intervention du législateur porte t-elle à croire que personne n'effectue
volontairement une analyse des risques ?
Il demeure, à priori, qu'effectuer une analyse des risques coûterait
plus d'argent quelle n'en rapporte pour les entreprises ou, pour
les collectivités, que le bien être engendré est très faible pour
les populations. On compare ainsi souvent le calcul du coût réel
de la réalisation d'accidents du travail, par exemple, à un iceberg.
Les entreprises ont tendance à percevoir uniquement le coût direct
des accidents et ne perçoivent pas leur coût indirect qui demeure
beaucoup plus important. Ainsi il a été estimé en 1997 que les coûts
directs des accidents du travail sont de l'ordre de 17 milliards
de francs contre un coût indirect de 42 milliards de francs . De
façon similaire, les accidents naturels ou technologiques ont des
impacts visibles, mais aussi des impacts cachés.
En fin de compte, il paraîtrait vrai qu'une évaluation des risques
ne sert qu'à défaut, par obligation, par contrainte sans contrepartie
positive. Cependant, il nous semble important qu'une évaluation
des risques soit effectuée au service d'une stratégie générale de
la société ou de l'entreprise. En ce sens, la notion de développement
durable participe à cette volonté intégratrice de mise en œuvre
de mesures écologiques, au service d'une action dans le présent,
mais pour le futur.
La question fondamentale qu'il convient de se poser est de savoir
comment tout ce vécu, ces perceptions peuvent se retrouver dans
les études de risques et donc de savoir s'il est possible d'effectuer
une étude des risques écrite qui soit objective. Cependant, cette
objectivité est-elle indispensable ou réaliste compte tenu de la
complexité et des contraintes de temps et de coûts ?
Pour parvenir à répondre à ces questions, il conviendra de dresser
les obstacles majeurs à l'élaboration d'une évaluation des risques
objective. Nous effectuerons donc un portrait en négatif des études
des risques. Notre objectif est de parvenir à trouver les pistes
d'amélioration de l'objectivité des méthodes d'évaluation des risques.
Ce travail n'a pas pour prétention d'établir la meilleure méthode
ou la meilleure démarche d'évaluation des risques, mais nous espérons
parvenir à mieux éclaircir des malentendus et des imperfections
inhérentes à l'évaluation des risques, en bref rendre la démarche
d'évaluation des risques plus scientifique. Mais cette scientificité
ne suppose pas qu'il y ait simplicité. Pour parvenir à cet objectif
nous devons travailler sur la particularité de l'écrit qui demeure
la condition indispensable pour obtenir une étude de risque qui
tend vers l'objectivité. Pour y parvenir, nous étudierons un cas
concret. Mais avant de rentrer plus en avant dans le détail de notre
étude, un constat préliminaire s'impose. Nous avons montré l'étroite
imbrication des risques dans la vie quotidienne, au travail… Cette
proximité entraîne inévitablement une complexité importante. C'est
cette complexité qui est l'obstacle le plus difficile à surmonter
lors d'une analyse des risques pour obtenir d'avantage d'objectivité.
L'objectivité est importante à bien des égards. L'objectivité,
c'est la " qualité de ce qui donne une représentation fidèle d'un
objet ". L'objectivité est donc un critère indispensable à toute
démarche scientifique, mais cette objectivité est aussi indispensable
au regard de la nature du risque. En effet, la catastrophe qui existe
en potentialité dans le risque surgit principalement dans les défauts
des démarches de prévention et tout défaut ou impasse dans l'analyse
constitue une porte d'entrée pour les risques. Cependant, il convient
aussi de se demander si trop d'objectivité n'a pas, en sens inverse,
un impact négatif sur une étude des risques et sa mise en œuvre.
La question que nous devons donc nous poser est de mieux déterminer
les avantages et les inconvénients qu'apportent l'objectivité, mais
aussi ceux qu'apportent la subjectivité. Car, nous le voyons bien,
les études de risques naviguent entre ces deux flots objectifs et
subjectifs et vouloir imposer l'un au détriment de l'autre ne peut-il
pas, au final, rendre inefficace une étude des risques. Nous essayerons
donc de nous demander si la science objective ne peut se passer
de subjectivité. Pour ce faire, notre travail se basera principalement
sur les enseignements qui ont découlé de notre travail d'élaboration
d'une méthode d'évaluation des risques en entreprise, dans l'objectif
de réaliser le document unique.
Ce travail a été effectué dans une entreprise de conseil en ressources
humaines spécialisée dans le domaine de la compétence, de la formation
et des démarches de prévention des risques. L'approche effectuée
dans une telle entreprise a permis une bonne prise en compte du
facteur humain et de l'importance de la compétence dans toute politique
de prévention des risques.
L'objectif de notre étude se déroulera en deux étapes. La première
étape sera d'analyser les risques présent dans l'étude des risques,
à savoir l'absence d'objectivité, la complexité des systèmes et
l'absence de vision stratégique. Dans la deuxième étape, la présentation
et le commentaire d'une méthode d'évaluation des risques dans une
entreprise pilote sera effectuée au regard du rôle de la subjectivité
dans les études des risques.